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Bactériophages et antibiotiques : sensibilité et mécanismes de résistance chez Pseudomonas aeruginosa

ResisPhages

Phagothérapie 2014-2017

Les bactériophages ou virus de bactéries sont utilisés dans différents pays en réponse à la problématique de l’infection par des germes multirésistants aux antibiotiques. En dépit de l’espoir suscité par cette approche, et de son fort potentiel innovant, des difficultés d’ordre à la fois réglementaires et scientifiques en limitent actuellement l’emploi en France. En effet, il est notamment essentiel de montrer que cette approche pourra être efficace contre toutes les souches, et que le devenir des bactéries et des phages après l’infection peut être maitrisé. Des recherches sont nécessaires afin de connaitre la nature a priori des résistances qui seront susceptibles d’émerger.

ResisPhages traitera de l’isolement et la caractérisation de nouveaux phages lytiques efficaces contre Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter baumanii et le genre Burkholderia, sources de pathogènes opportunistes responsables d’infections nosocomiales. L’objectif principal sera l’étude des mécanismes de résistance à ces phages, et les liens éventuels avec résistance aux antibiotiques, transfert d’ADN médié par les phages, virulence des souches. ResisPhages tirera profit de façon intensive des nouvelles technologies de séquençage de masse, et fera appel à des outils d’analyse informatique à haut débit.

PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE Pour certains, les virus de bactéries, ou bactériophages, sont appelés à devenir un instrument majeur de la lutte contre des infections aigües ou chroniques chez l’homme, les animaux d’élevage ou les plantes, et plus particulièrement celles causées par des germes multirésistants aux antibiotiques (MDR). Ils pourraient en outre permettre la décontamination douce d’équipements, de locaux et d’aliments et même être utilisés en prophylaxie. En France, la phagothérapie n’est actuellement pas autorisée mais quelques essais compassionnels ont déjà été effectués avec des exemples de réussites spectaculaires, souvent médiatisées.

Selon d’autres avis, l’utilisation des bactériophages restera anecdotique en raison des nombreuses contraintes de sécurité et des incertitudes liées à l’utilisation thérapeutique de microorganismes vivants, de la haute fréquence des résistances naturelles, du segment restreint de son utilisation potentielle et de son coût.

Les souches de Pseudomonas aeruginosa ou Acinetobacter baumanii fréquemment isolées chez des brûlés ou lors d’infections post-chirurgicales sont de plus en plus souvent des souches MDR appartenant à quelques clones internationaux. Ces clones possèdent généralement des plasmides ou des transposons portant des gènes de résistance aux antibiotiques. Certains clones ont une grande capacité à former des biofilms.

ResisPhages évaluera si dans un futur usage de la phagothérapie, il y aurait un risque que

(i) les phages introduisent dans les souches ciblées de nouveaux gènes, susceptibles de faire émerger des souches bactériennes plus dangereuses ;

(ii) lors du cycle lytique les phages d’un cocktail échangent des gènes entre eux ;

(iii) des souches bactériennes résistantes aux phages mis en œuvre apparaissent fréquemment et que ces souches présentent un spectre de résistance aux antibiotiques modifié : les souches accumulant les résistances aux antibiotiques verront-elles leur susceptibilité aux phages changer, existe-t-il des souches résistantes à n’importe quel phage ?

(iv) la résistance aux antibiotiques puisse être transmise d’une souche bactérienne à une autre par l’intermédiaire des phages. Le problème du transfert d’ADN par les phages est souvent considéré comme inexistant dès lors que des phages virulents sont utilisés. Ceci n’est pas avéré, puisque une transduction généralisée est possible à un taux faible mais non négligeable si une sélection par les antibiotiques est utilisée.

ResisPhages apportera des éléments de réponse aux questions concernant les résistances naturelles et acquises, et les échanges génétiques susceptibles de survenir lors de coïnfections. Il est réalisable grâce aux connaissances disponibles sur les mécanismes de résistance aux phages, au moins chez les microorganismes modèles, et grâce à la révolution technologique en cours en termes de séquençage de masse à bas coût. Ces éléments permettent d’examiner la phagothérapie avec un regard neuf.

SOUCHES CLINIQUES SPONTANÉMENT RÉSISTANTES

Le laboratoire a précédemment identifié dix souches cliniques de P. aeruginosa qui ne sont lysées par aucun des phages testés. Les phages utilisent des récepteurs membranaires pour se fixer à la surface des bactéries, puis injectent leur ADN dans la bactérie. Une grande partie des phages de P. aeruginosa utilise le lipopolysaccharide (LPS) ou les pilus de type IV comme récepteur. Une fois l’ADN injecté il peut être la cible d’endonucléases de restriction bactérienne. Des mécanismes de résistance liés à ces deux grandes étapes seront recherchés :
- d’une part, des souches bactériennes résistantes à tous les phages seront séquencées en qualité brouillon et les gènes connus pour être impliqués dans la synthèse des LPS et des porines seront examinés par analyse bioinformatique ;
- d’autre part, une méthode rapide de recherche d’activité endonuclease sera appliquée aux souches résistantes. Cette méthode consiste à lyser les bactéries avec du lysozyme et du triton, à incuber le lysat brut soit directement soit après centrifugation avec de l’ADN de bactériophage et à rechercher par électrophorèse sur gel d’agarose la présence de fragments de restriction (des extraits bruts bactériens seront obtenus par sonication. Après clarification le surnageant sera précipité par du sulfate d’ammonium (50-70%) pendant la nuit et centrifugé à 25000g pendant 30mins ou bien directement déposé sur une colonne. Une chromatographie sur phosphocellulose P11 et hydroxylapatite sera effectuée pour purifier l’enzyme).

SOUCHES À RÉSISTANCE ACQUISE AU LABORATOIRE Un cocktail de phages sera constitué en mélangeant 6 phages de P. aeruginosa appartenant aux genres JG004, KPP10, ΦKMV, LUZ24, N4 et PB1 à un titre de 108 phages/mL. Les souches bactériennes de référence PA01 et PA14 dont le génome a été entièrement séquencé seront infectées par ce cocktail à différentes multiplicités d’infection pour évaluer la fréquence d’apparition de résistances en fonction des conditions d’infection. Les bactéries survivantes seront cultivées et des colonies isolées seront repiquées et conservées. Leur susceptibilité à d’autres phages de la collection sera testée. Différentes souches seront séquencées au niveau brouillon afin d’identifier les mutations responsables par comparaison avec les génomes des bactéries avant infection. 10.2.2. RECOMBINAISON ET TRANSFERT D’ADN Les phages sont des vecteurs de transfert horizontal à deux titres : ils peuvent encapsider et transférer par erreur une portion du génome de leur hôte bactérien (transduction généralisée), ou ils peuvent capturer dans leur propre génome de l’ADN étranger (mosaïcisme). Le risque existe que les différents génomes de phages, choisis pour constituer un cocktail thérapeutique, recombinent entre eux ou avec le génome des bactéries qu’ils infectent, et donc évoluent, dans un sens qui pourrait être nocif pour l’homme (acquisition de gènes de virulence, acquisition du caractère tempéré, etc.). 10.2.2.1 ANALYSE PAR MÉTA GÉNOMIQUE DES PHAGES PRODUITS LORS D’UNE COÏNFECTION Les activités d’échange d’ADN entre phages proches durant une coïnfection et également avec des prophages présents dans la souche hôte seront analysées par approche méta génomique permettant d’examiner l’ensemble des phages produits après une coïnfection. Pour obtenir des recombinants, une souche choisie pour sa permissivité à plusieurs phages sera infectée pendant la croissance exponentielle à une multiplicité de trois phages pour une bactérie. Après lyse bactérienne le surnageant sera clarifié, filtré et traité à la DNase pour éliminer l’ADN bactérien. Les phages seront ensuite purifiés et l’ADN sera extrait et séquencé par la méthode Illumina produisant des lectures de 250pb. La présence de lectures anormales d’ADN hybride suggérant l’existence d’échanges entre génomes sera recherchée par analyse bioinformatique. La présence d’ADN bactérien sera également recherchée. 10.2.2.2 TRANSFERT DE GENES DE RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES Le risque de transfert de gènes de résistance aux antibiotiques par un bactériophage sera évalué en infectant une souche résistante aux beta-lactamases avec un cocktail de phages et en récupérant les phages produits. Ceux-ci seront utilisés pour infecter une souche sensible et les éventuelles bactéries résistantes seront identifiées par sélection antibiotique. Le gène de résistance sera recherché par PCR. Si des événements de transduction sont détectés, la région d’ADN transfectée sera caractérisée par séquençage pour en déduire quel phage est responsable du transfert.

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